Ce que j'ai à dire; ce que j'ai pu lire

tout est dans le titre. Et par moment, j'ai même à dire sur ce que j'ai pu lire.

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Lieu : France

lundi, novembre 14, 2005

la crise en France vue par la presse I

Ces derniers temps, je me suis plus plongée dans la lecture des magazines hors série sur Astérix ou dans des livres anglais, ce qui fait que cela m'a moins incité à parler d'articles qui ont pu me faire réagir.

Mais bon, quand j'allume mon PC le matin et que je vois comme titre "accalmie : il n'y a eu que 374 véhicules incendiées", je trouve que les journalistes ont une sacré tendance à ne pas penser aux 374 personnes qui ont vu leurs voitures brûlées.

Ce qui me fait rire, c'est que la presse a l'air de trouver étrange que les gouvernements étrangers conseillent à leurs ressortissants de faire attention s'ils viennent en France, voire d'annuler leurs voyages. S'ils surfaient un peu sur les sites des ministères des Affaires Etrangères d'autres pays, ils se rendraient compte que même en dehors de toute période de crise, les conseils donnés aux touristes étrangers se rendant en France sont équivalents à ceux donnés à un français se rendant dans un pays hors CE : se méfier des attroupements, des vols, et des grèves qui ont tendance à immobiliser la France régulièrement.

Sinon, une grande partie de la presse étrangère s'occupe de ce qui se passe en France et les éditorialistes donnent leurs avis sur la situation (cf les posts suivants).

A les lire : tout va mal, la France brûle, le modèle social français est un échec.

Et bien, il y a au moins une personne qui pense le contraire

dimanche 13 novembre 2005, 12h08

Le modèle français d'intégration est paradoxalement un succès, estime Lang

LONDRES (AFP) - Le modèle français d'intégration des étrangers est paradoxalement un succès, en dépit de ce que suggèrent les émeutes dans les banlieues, a affirmé dimanche l'ancien ministre socialiste français Jack Lang au micro de la BBC.

"C'est un paradoxe. Ce qui se passe maintenant est le signe que ce modèle est, dans un sens, un succès", a dit en anglais le député du Pas-de-Calais (nord).

"Les jeunes en France considèrent que l'égalité des chances est une nécessité pour eux", a-t-il expliqué : "l'échec ne vient pas du modèle français, mais de la mauvaise politique du gouvernement, qui a mis en place une politique de classes".

"Beaucoup de jeunes pensent qu'il y a un manque de respect, non seulement envers eux mais envers tout le pays. Beaucoup pensent que l'égalité des chances n'existe qu'en paroles", a ajouté l'ancien ministre.

Pour M. Lang, "le gouvernement est un fauteur de trouble" qui a "détruit les politiques de proximité, (...) de nombreux emplois pour les jeunes (et) des services publics". [...]


la crise en France vue par la presse II

Courrier international - supplément au n° 784 - 10 nov. 2005 France : La rage des banlieues vue par...

VU DE SUÈDE

Le 3 décembre 1983, Toumi Djaidja, 20 ans, apparaissait sur le perron de l’Elysée. Le jeune homme, d’origine algérienne, venait d’être reçu par François Mitterrand et déclarait triomphalement qu’un grand pas vers l’égalité venait d’être accompli. En novembre et décembre 1983, plusieurs dizaines de milliers de jeunes immigrés de la deuxième génération avaient marché de Marseille à Paris. A leur arrivée dans la capitale, ils étaient près de 100 000. Officiellement dénommée “Marche pour l’égalité et contre le racisme”, la manifestation avait vite été rebaptisée “Marche des Beurs”. Le mouvement avait été déclenché par une série de brutalités policières à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon. Les protestations s’étaient rapidement muées en revendications. Les jeunes immigrés réclamaient le droit à un emploi et une place dans la société française. Aujourd’hui, il ne reste pas grand-chose de l’enthousiasme que manifestait Toumi Djaidja après sa rencontre avec le président de la République. Les promesses des socialistes sont restées lettre morte, comme celle qu’avait faite François Mitterrand, pendant la campagne électorale de 1981, d’accorder le droit de vote aux immigrés. Aux Beurs et aux autres enfants d’immigrés non européens, il n’est resté que le chômage et le sentiment d’être des étrangers. Peut-être aussi le sentiment d’avoir été instrumentalisés par les politiques. La gauche a laissé un goût amer. Beaucoup des anciens participants à la “Marche des Beurs” estiment aujourd’hui qu’ils ont été utilisés par les socialistes par le biais d’associations comme SOS Racisme.

D’après les représentants des jeunes issus de l’immigration, la situation n’est pas la même aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Avant, le climat était “antiarabe”. Aujourd’hui, il est devenu “antimusulman”. Pour les jeunes des cités qui espéraient se faire une place dans la société française, le réveil a été difficile. Les représentants des partis politiques officiels suscitent rarement l’intérêt dans les banlieues.

Quand ces jeunes regardent l’Assemblée nationale, ils constatent qu’il ne s’y trouve pas un seul représentant de leur communauté, et la situation n’est pas plus brillante aux niveaux municipal et régional. S’ils regardent les actualités à la télévision, ils n’ont pour ainsi dire aucune chance d’y voir un présentateur ou un journaliste arabe ou “black”, comme on appelle souvent les Noirs en France.

Les parents des jeunes qui lancent aujourd’hui des pierres sur les CRS sont arrivés en France pendant la période de croissance économique des années 1960 et 1970. Beaucoup d’entre eux ne venaient pas de grandes villes, mais de la campagne, et étaient analphabètes. Ils étaient bien intégrés tant que l’économie se portait bien. Mais, lorsque le vent a tourné, ils ont été mis à l’écart en banlieue, dans des barres d’immeubles décrépites. Leurs enfants sont français, mais restent en marge de la société. Et ils se sentent étrangers à l’échec de leurs parents. Lorsque la France a gagné la Coupe du monde de football, en 1998, on a célébré le brassage ethnique représenté par l’équipe nationale. La mosaïque black-blanc-beur a été érigée en symbole de la France cosmopolite. Mais le soufflé est vite retombé. Aujourd’hui, les banlieues s’enflamment rapidement. Et leur misère s’accompagne souvent de délinquance, d’une économie parallèle et de règles qui leur sont propres.

Tout n’est pas négatif, bien sûr. La mode “banlieue attitude”, par exemple, a été créée en banlieue et a eu du succès dans des quartiers où “banlieue” signifiait criminalité, gangs et HLM mal entretenus. Mais les exemples positifs disparaissent rapidement sous un flot de problèmes qui semble ne jamais devoir se tarir.



Björn Erik Rosin
Svenska Dagbladet

la crise en France vue par la presse III

Courrier international - supplément au n° 784 - 10 nov. 2005 France : La rage des banlieues vue par... /

VU DE HONGRIE

Il n’y a aucun problème en France, simplement des citoyens musulmans qui cassent et incendient après un petit malentendu. On n’a pas manqué de reprocher au ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, son dérapage verbal lorsqu’il a appelé “racaille” la racaille. Dans Le Figaro, un philosophe a présenté la situation linguistique de la façon suivante : “Nous disons ‘provocateurs’ pour ‘policiers’, ‘jeunes’ pour ‘malfaiteurs’, ‘économie parallèle’ pour ‘trafiquants de drogue’, ‘quartiers sensibles’ pour ‘zones de non-droit’.”
Le mois dernier, lors d’un entretien informel, j’ai entendu un des membres du futur gouvernement polonais dire que “la chute de la démographie dans les pays européens pose moins de problèmes que les millions de jeunes militants du djihad dans les banlieues, gonflés de testostérone”. On ne peut pas reprocher au parti conservateur polonais de ne pas parler ouvertement et sans ambages, phénomène tout nouveau en Europe, où même à propos des immigrés de la troisième génération on n’évoque que des droits et non des obligations.
L’un des responsables des musulmans de France a déclaré, par exemple, à propos de cette situation qui ressemble fort à une guerre civile : “Il faut tout faire pour que les habitants des banlieues ne vivent plus dans des trous insalubres.” Or aucun citoyen français ne détient le droit naturel de vivre en centre-ville. Il a seulement droit aux études et à la recherche d’un emploi. Bien sûr, je sais, il y a la discrimination. Comme l’a expliqué un jeune musulman : “Avec un nom arabe, je ne trouve pas de travail approprié.” Lors d’un entretien d’embauche, même si l’on revêt son plus beau sweat-shirt à capuche et que l’on dissimule bien son cocktail Molotov, on a peu de chances d’être retenu. Il est clair, en tout cas, que les images des voitures incendiées aideront les employeurs à changer d’avis.
Je ne veux pas nier que beaucoup de jeunes musulmans, désireux de s’intégrer, sont victimes de discrimination. Je veux dire que la discrimination n’explique pas la situation actuelle. De même, le mot “ghetto” ne convient pas pour décrire les banlieues françaises, puisque, il y a déjà cinq cents ans, à Venise, ce mot désignait un quartier où une certaine population devait résider d’office. Ici, ce n’est pas le cas, et, si les jeunes musulmans français ont l’impression de vivre dans des ghettos, ce sont eux-mêmes qui transforment leurs quartiers en ghettos.

L’Etat et les municipalités pourraient faire un peu plus en faveur de l’éducation. Mais pour cela ils auraient besoin d’interlocuteurs. Ce qui n’est pas facile à trouver, quand on entend des musulmans dire : “Je déteste le mot ‘intégration’ parce que ça sous-entend que les Français devraient nous intégrer et que nous, les immigrés, devrions nous intégrer dans la société française.” En effet, c’est justement ce qui devrait se passer. Et, aussi longtemps que cela ne se réalisera pas, l’Europe devra réglementer l’immigration de façon radicale.

On nous répond que l’économie européenne a besoin de main-d’œuvre étrangère. On nous dit également qu’il est impossible de fermer les frontières. Si, c’est possible : ce n’est qu’une question d’argent. D’ailleurs, il serait beaucoup plus judicieux d’investir dans la défense des frontières que – puisque nous parlons de la France – dans la politique agricole commune. Car, tandis qu’il est inconvenant de parler ouvertement des problèmes liés aux immigrés, les subventions agricoles exclusives représentent une telle fierté nationale pour les Français que Paris s’apprête justement à torpiller le démantèlement de ces aides auprès de l’Organisation mondiale du commerce. Autrement dit, la France veut empêcher les pays plus pauvres d’avoir leur chance sur le marché européen. Car, au-delà de la surveillance des frontières, il est tout aussi important de traiter la racine des problèmes : arriver à ce que ceux qui veulent vivre mieux ne soient pas obligés de quitter leur pays natal. Pour cela, bien entendu, il ne suffira pas de rogner sur les protectionnismes nationaux, il faudra aussi avoir une politique étrangère capable d’influencer, voire de favoriser le remplacement des régimes étrangers qui ne laissent pas prospérer leurs concitoyens. Voilà ce qu’il faudrait vraiment mettre en œuvre.

András Sztankóczy
Magyar Hírlap