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Lieu : France

lundi, novembre 14, 2005

la crise en France vue par la presse III

Courrier international - supplément au n° 784 - 10 nov. 2005 France : La rage des banlieues vue par... /

VU DE HONGRIE

Il n’y a aucun problème en France, simplement des citoyens musulmans qui cassent et incendient après un petit malentendu. On n’a pas manqué de reprocher au ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, son dérapage verbal lorsqu’il a appelé “racaille” la racaille. Dans Le Figaro, un philosophe a présenté la situation linguistique de la façon suivante : “Nous disons ‘provocateurs’ pour ‘policiers’, ‘jeunes’ pour ‘malfaiteurs’, ‘économie parallèle’ pour ‘trafiquants de drogue’, ‘quartiers sensibles’ pour ‘zones de non-droit’.”
Le mois dernier, lors d’un entretien informel, j’ai entendu un des membres du futur gouvernement polonais dire que “la chute de la démographie dans les pays européens pose moins de problèmes que les millions de jeunes militants du djihad dans les banlieues, gonflés de testostérone”. On ne peut pas reprocher au parti conservateur polonais de ne pas parler ouvertement et sans ambages, phénomène tout nouveau en Europe, où même à propos des immigrés de la troisième génération on n’évoque que des droits et non des obligations.
L’un des responsables des musulmans de France a déclaré, par exemple, à propos de cette situation qui ressemble fort à une guerre civile : “Il faut tout faire pour que les habitants des banlieues ne vivent plus dans des trous insalubres.” Or aucun citoyen français ne détient le droit naturel de vivre en centre-ville. Il a seulement droit aux études et à la recherche d’un emploi. Bien sûr, je sais, il y a la discrimination. Comme l’a expliqué un jeune musulman : “Avec un nom arabe, je ne trouve pas de travail approprié.” Lors d’un entretien d’embauche, même si l’on revêt son plus beau sweat-shirt à capuche et que l’on dissimule bien son cocktail Molotov, on a peu de chances d’être retenu. Il est clair, en tout cas, que les images des voitures incendiées aideront les employeurs à changer d’avis.
Je ne veux pas nier que beaucoup de jeunes musulmans, désireux de s’intégrer, sont victimes de discrimination. Je veux dire que la discrimination n’explique pas la situation actuelle. De même, le mot “ghetto” ne convient pas pour décrire les banlieues françaises, puisque, il y a déjà cinq cents ans, à Venise, ce mot désignait un quartier où une certaine population devait résider d’office. Ici, ce n’est pas le cas, et, si les jeunes musulmans français ont l’impression de vivre dans des ghettos, ce sont eux-mêmes qui transforment leurs quartiers en ghettos.

L’Etat et les municipalités pourraient faire un peu plus en faveur de l’éducation. Mais pour cela ils auraient besoin d’interlocuteurs. Ce qui n’est pas facile à trouver, quand on entend des musulmans dire : “Je déteste le mot ‘intégration’ parce que ça sous-entend que les Français devraient nous intégrer et que nous, les immigrés, devrions nous intégrer dans la société française.” En effet, c’est justement ce qui devrait se passer. Et, aussi longtemps que cela ne se réalisera pas, l’Europe devra réglementer l’immigration de façon radicale.

On nous répond que l’économie européenne a besoin de main-d’œuvre étrangère. On nous dit également qu’il est impossible de fermer les frontières. Si, c’est possible : ce n’est qu’une question d’argent. D’ailleurs, il serait beaucoup plus judicieux d’investir dans la défense des frontières que – puisque nous parlons de la France – dans la politique agricole commune. Car, tandis qu’il est inconvenant de parler ouvertement des problèmes liés aux immigrés, les subventions agricoles exclusives représentent une telle fierté nationale pour les Français que Paris s’apprête justement à torpiller le démantèlement de ces aides auprès de l’Organisation mondiale du commerce. Autrement dit, la France veut empêcher les pays plus pauvres d’avoir leur chance sur le marché européen. Car, au-delà de la surveillance des frontières, il est tout aussi important de traiter la racine des problèmes : arriver à ce que ceux qui veulent vivre mieux ne soient pas obligés de quitter leur pays natal. Pour cela, bien entendu, il ne suffira pas de rogner sur les protectionnismes nationaux, il faudra aussi avoir une politique étrangère capable d’influencer, voire de favoriser le remplacement des régimes étrangers qui ne laissent pas prospérer leurs concitoyens. Voilà ce qu’il faudrait vraiment mettre en œuvre.

András Sztankóczy
Magyar Hírlap