Ce que j'ai à dire; ce que j'ai pu lire

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Lieu : France

vendredi, décembre 22, 2006

La grammaire à l’école ? Un désastre !

Ils ont un culot monstre! Ou alors le journal «Le Monde», attentif à se ménager un potentiel de clientèle susceptible de lire encore, les ménage. Le ministre de Robien veut redonner à la grammaire la place qui lui revient, estimant qu’elle a été maltraitée depuis des années. Comment lui donner tort? Un rapport vient de lui être remis sur le sujet.

Or, le journal Le Monde du 18 décembre 2006 paraît n’avoir rencontré que des « enseignants et des syndicalistes » que la chose laisse « perplexes ». Ils prétendent en choeur que « la grammaire est déjà bien enseignée », qu’« on en fait tout le temps », qu’il y a déjà « beaucoup de grammaire à l’École », que conformément aux instructions, « on part des objets littéraires (sic) comme prétexte pour aller vers des éléments précis en grammaire ».

Un secret de polichinelle.

Plaît-il ? « Des objets littéraires » ? C’est quoi au juste ? Ah ! C’est le nouveau nom donné aux « textes » ! Voilà comme on parle au pays des « précieux ridicules ». Il prend envie de leur « souffleter le trône de la pudeur » ! En tout cas, ça ne laisse rien augurer de bon pour ce qui touche à la grammaire. Car cet aller simple des « objets littéraires », comme ils disent, « aux éléments précis en grammaire », ça ne suffit pas : ce sont des va-et-vient qu’il faut faire sans cesse, sous peine d’être là où nous en sommes. C’est, en effet, un secret de polichinelle qu’il est insensé de vouloir cacher ! Il suffit d’interroger les professeurs de latin ou d’allemand. L’enseignement de la grammaire est aujourd’hui un désastre au point de compromettre l’enseignement de ces langues !

Les rudiments grammaticaux ignorés

Comment voulez-vous enseigner une langue à flexions dont les mots changent de terminaison selon la fonction, sans connaître le B A BA grammatical. Les fonctions ? Les élèves les ignorent. C’est tout juste s’ils repèrent le sujet, à condition qu’il soit le premier mot d’une phrase simple : « Le soleil brille ». Mais il ne faut pas chinoiser avec une phrase comme « Il fait grand soleil ! ». Un attribut du sujet ? On n’a pas ça en rayon : « Je suis ... quoi ? fatigué » « Fatigué », complément d’objet direct ! « Les conjonctions de coordination ? Ce n’est pas la même chose que les conjonctions de subordination » ? « Parce que », ce n’est pas comme « car » ? Ah bon ! Mais on avait dit que c’étaient tous des « connecteurs » ! Faut pas « déconnecter » ! Et les pronoms ? À quoi ça sert ? Personnels, possessifs ? Ouh là ! On « né » perdu ! Quoi ? La fonction du pronom relatif « qui » ? Parce que ces conjonctions ont une fonction aussi ? Jamais entendu parler ! Quant à la conjugaison ? On « n’ait émotionné » ! Sorti du présent, on nage ! Le verbe « être » et « avoir » s’écrivent pareil, c’est le même son, non ? : « ai » ou « est », où « ait » la différence ? ». La belle affaire ! C’est comme avec le participe passé et l’infinitif : ça vaut vraiment la peine de se « cassé » la tête avec les « e-r » et les « é » ?

Des responsables donnant le mauvais exemple

C’est vrai ! Pourquoi les élèves se la casseraient-ils, puisqu’il est manifeste qu’il n’est nul besoin de connaître un minimum de grammaire pour réussir ? Des responsables eux-mêmes donnent l’exemple ! La connaissance de la langue française ne sert même pas à faire le tri parmi les candidats à un poste de chef d’établissement. Certains étalent leur inculture encyclopédique sans pudeur. On en a honte pour le service public d’éducation !
- Il faut lire ce qu’ils écrivent, leurs lettres (secrètes ou pas) ou leurs notes de service : « Il va s’en dire », écrit l’un d’eux par deux fois à un président local de parents d’élèves. Imagine-t-on la logique grammaticale qui structure une cervelle capable de cette graphie ? Ou encore, on le voit s’intéresser aux « élèves n’ayant pas débuté cette option en 5e... », ou bien « (il) remercie (ses « chers collègues ») de faire circuler la fiche jointe à l’équipe pédagogique et de la ramener complétée... ». Ça ne l’empêche pas, en attendant, à tout bout de champ, d’exiger de son personnel qu’il se montre « très professionnel » : c’est une préoccupation qui doit interpeller chacun « quelque part » ! La formule « quelque part » est à l’inculte jouant au contemplatif ce que l’expression « en quelque sorte » est au lettré maniéré.
- Tel autre proviseur, de son côté, plein d’ambition pour son lycée de banlieue, met entre les mains des lycéens un carnet de correspondance truffé de fautes d’orthographe et d’incorrections. L’aplomb de l’inculture, heureusement, est une réserve de perles savoureuses, comme Molière l’a montré dans son bourgeois gentilhomme qui faisait de la prose sans le savoir : « En aucun cas, prévient ainsi sans rire ce proviseur, un élève ne saurait utiliser l’infirmerie pour justifier, malhonnêtement, une infraction aux respect des horaires. » Sans doute, sans doute ! Mais y a-t-il des infractions - comme du reste des incorrections grammaticales - qu’on pourrait justifier honnêtement ! Voilà un joli « lapsus calami » calamiteux qui ne grandit pas le service public d’éducation !
- Pareillement, pour sa publicité, le conseil général de la Manche s’était permis de remettre, il y a deux ans, aux collégiens du département un agenda aussi bourré de fautes d’orthographe et de grammaire, accompagné en plus d’un « questionnaire de satisfaction » demandant à l’élève de cocher une des trois réponses : "Le look de ton agenda est-il : ouf - cool - grave ?" Le jeunisme, on le voit, est une variante de la démagogie qui ne grandit pas non plus une assemblée politique ! Même la secrétaire perpétuelle de l’Académie française s’en était "émotionnée" - pardon ! - émue dans Le Figaro du 3 décembre 2004 !

Des langues devenues impossibles à enseigner

Comment enseigner le latin ou l’allemand dans ces conditions : il faut d’abord apprendre les rudiments de la grammaire française qui devraient être sus depuis l’école primaire ! Sans compter le ravage qu’a pu faire, à la fin des années 1990, l’obligation de mettre sous les yeux des élèves des « textes dits authentiques » d’auteurs latins, qui ne s’adressaient aux temps des Romains qu’aux plus cultivés d’entre eux ! Et ils n’étaient pas nombreux !

Mais les Vadius et Trissotin de l’Éducation nationale sont contents, selon Le Monde ! Tout va pour le mieux ! La grammaire est bien enseignée. Un de ces profs « spécialistes » de quelque IUFM y va même de son oracle rassurant : « (Il n’est) pas sûr, dit-il en pontifiant, que cet enseignement soit si sinistré ». A-t-il jamais mis les pieds dans un collège ? Quelle idée a-t-il d’un sinistre ? Ou est-ce l’esprit de corps qui lui dicte ce camouflage ? Faut-il donc attendre que cet enseignement soit complètement en ruine pour venir à son secours quand on entend ce qu’on entend ? « On part, disait l’autre plus haut, des objets littéraires comme prétexte pour aller vers des éléments précis en grammaire ». Des objets aux éléments ? Mais...élémentaire, mon cher Watson !

Paul VILLACH

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