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Lieu : France

lundi, septembre 12, 2005

encore Katrina

Courrier international - n° 775 - 8 sept. 2005

Bush, un président insensible et incapable

Alors que des milliers de ses concitoyens souffraient et mouraient devant les caméras, le président a été en dessous de tout, s’insurge un chroniqueur noir du New York Times.

Ni le décès du président de la Cour suprême [William Rehnquist est décédé le 3 septembre], ni les efforts désespérés des conseillers politiques de la Maison-Blanche n’ont pu masquer les énormes carences dont le président Bush a fait preuve pendant la semaine qui a suivi le passage de Katrina. Big Easy [“la Grande Insouciante”, surnom de La Nouvelle-Orléans] s’est transformée en Big Hurt [la Grande Blessée], et le monde entier a été témoin de l’incapacité de George W. Bush à intervenir énergiquement pour sauver des dizaines de milliers de citoyens.
Des hôpitaux abritant des malades gravement atteints ont été laissés sans électricité, avec des ventilateurs qui ne fonctionnaient pas, l’eau qui envahissait les étages inférieurs et des cadavres qui croupissaient dans les couloirs et les cages d’escalier. Des patients nécessitant une assistance ou souffrant de cancers, de maladies cardiaques ou d’insuffisance rénale sont tombés dans le coma et ont rendu leur dernier soupir devant des médecins et des parents impuissants. Tous ces Américains étaient dans une situation désespérée. Mais le président ne semblait pas s’en rendre compte. La puanteur des cadavres avait envahi la ville : des corps avaient été déposés sur des fauteuils roulants et des chaises de jardin, ou laissés en plein soleil sur les trottoirs, où ils se sont décomposés ; d’autres flottaient dans l’eau, souillée d’excréments humains. Des voyous sillonnaient la ville, tirant sur des sauveteurs, agressant et dévalisant des habitants et des touristes désemparés, violant des femmes et des jeunes filles. Mais le président du pays le plus riche et le plus puissant de la planète ne semblait pas s’en rendre compte.
Les télévisions nationales montraient des diabétiques en état de choc insulinique, des bébés ayant ce regard blême et vide de la faim que l’on est plutôt habitué à voir dans les reportages en provenance du tiers-monde. Elles montraient leurs mères qui pleuraient, elles aussi sales et affamées. Des personnes âgées gravement malades étaient livrées à elles-mêmes, souillant leurs vêtements et, dans certains cas, mourant comme des animaux égarés sur le sol de l’aéroport. Mais le président ne semblait pas s’en rendre compte.
Il s’en serait rendu compte si la majorité de ces misérables avaient été blancs et riches. Mais ils ne l’étaient pas. La plupart étaient pauvres et noirs, et donc invisibles pour son gouvernement. Après plusieurs jours de critiques virulentes des Blancs comme des Noirs, des conservateurs comme des progressistes, des républicains comme des démocrates, le président a fini par se sentir contraint d’agir un tant soit peu. Ce chœur de presque toute la société me donne d’ailleurs à penser que le peuple de ce pays est bien meilleur que son gouvernement.
Bush s’est rendu dans le Sud le 2 septembre et a prouvé (si c’était encore nécessaire) qu’il n’avait toujours rien compris. Au lieu de se préoccuper des habitants sinistrés, affamés, malades et mourants, il a parlé de choses et d’autres, racontant ses souvenirs de l’époque où il faisait la fête à La Nouvelle-Orléans et observant que Trent Lott [sénateur républicain du Mississippi] avait perdu une de ses maisons, mais qu’il ne tarderait pas à la remplacer par une splendide demeure, allant jusqu’à ajouter : “J’attends avec impatience le jour où je pourrai m’asseoir sous sa véranda.”
Ce comportement restera parmi les pires réactions d’un président à une crise nationale aussi grave. Ce que nous avons vu, c’est la dangereuse incompétence et la stupéfiante indifférence du président et de son gouvernement à la souffrance humaine.
Et ce sont cette incompétence et cette indifférence à la souffrance (oui, le carnage continue à s’intensifier en Irak) qui font qu’il est si difficile de voir l’avenir des Etats-Unis au cours des prochaines années. Alors même que le pays aurait cruellement besoin d’une direction efficace et novatrice pour faire face aux problèmes de guerre et de paix, de terrorisme et de sécurité intérieure, aux impératifs économiques de la mondialisation et à la course au pétrole, les Etats-Unis sont gouvernés par un homme qui semble inconscient de ses colossales responsabilités.
Avec un président aussi incapable dans des domaines aussi cruciaux, il est clair que l’ensemble des Américains, comme les sinistrés de La Nouvelle-Orléans, ont de quoi s’inquiéter.

Bob Herbert
The New York Times